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Les confiseurs, les marchands de loukoums, de cavourma et autres pâtisseries sont également nombreux.

Mais le quartier le plus important et l’un des plus intéressants est celui des bourreliers, selliers, cordonniers, bottiers, et en général de tous ceux qui travaillent le cuir. L’habileté avec laquelle certains de ces ouvriers brodent des ceintures, des licols et des selles, avec de petites lanières de maroquin, est véritablement surprenante.

Les cafés, qu’on ne trouve que sur les places ou à l’extrémité des rues, ressemblent à tous les cafés d’Orient. Autour d’une grande salle sont des bancs couverts de nattes, sur lesquels des fumeurs de narguilhè hument leur tasse de café. Souvent le cafedji est barbier, et les clients attendent, en causant et en buvant, leur tour de se faire raser. Je me suis toujours senti de l’éloignement pour ces établissements à deux fins. J’étais au contraire l’habitué très-assidu d’un certain café qui, dans la ville close, près du palais du gouverneur, offre à ses clients les frais ombrages de délicieux bosquets de jasmins, de rosiers et de citronniers. Combien n’y ai-je point passé d’après-midi à faire le kief ! Il se trouvait toujours là quelque chanteur qui, s’accompagnant d’une mandoline, psalmodiait les louanges d’un sultan ou les aventures héroïques ou amoureuses d’un jeune Osmanli.


VII
Population de Trébizonde. – Chrétiens et musulmans. – Le costume.


La population de Trébizonde est de quarante mille habitants, et se compose de Turcs (Osmanlis), de Persans,


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Retour du marché de Trébizonde.


de chrétiens des rites arménien grégorien et latin, de grecs orthodoxes, d’une vingtaine de familles européennes, et d’une population flottante de catterdjis, de muletiers, de hamals et de Kurdes ; on peut même dire qu’on y voit des représentants de tous les peuples d’Orient, et chacun d’eux y porte son costume.

Les Turcs sont pour la plupart commerçants, pêcheurs, ou employés de l’État. Ce sont de fidèles observateurs de la loi de Mahomet. Les fonctionnaires publics dérogent seuls aux traditions. Ils ne portent pas l’ancien costume ; ils boivent jusqu’à s’enivrer du raki (eau-de-vie de grains anisée), et, ce qui est pire, ils n’ont pas toujours l’honnêteté et la bonhomie qui distinguent les simples musulmans.

Les Persans sont négociants et ouvriers d’art ; leur caractère souple et délié, leur esprit mercantile et leur goût esthétique, font qu’ils arrivent rapidement à la fortune. Ils sont superstitieux et pratiquent minutieusement les devoirs de leur religion. J’ai vu un jour l’un d’entre eux interrompre sa promenade et retourner à la mosquée faire ses ablutions et se purifier, seulement parce qu’un Européen l’avait malicieusement coudoyé.

Sectateurs d’Ali, ils ont avec les Turcs qui suivent la loi d’Omar de fréquentes querelles religieuses. Plus polis et plus civils que les Turcs avec les étrangers, ils aiment, dans leurs conversations, à vanter leur pays au delà de toute expression. En quelque contrée qu’ils soient, ils conservent leur costume national et le portent ou de soie ou d’étoffe grossière, suivant la classe à laquelle ils appartiennent, mais il est uniformément composé d’une robe qui descend aux genoux et recouvre un justaucorps ; leur pantalon, large et ouvert en bas, ne dépasse pas la cheville ; leur coiffure varie par degrés du long bonnet d’astrakan à la calotte sphérique de feutre.