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par une distance de trois jours de marche, à travers l’Afrique centrale, en prenant Gondokoro pour base d’opérations.

Le commandement en chef de cette expédition est confié à sir Samuel White Baker, pour quatre années, a partir du 1er avril 1869;

Nous l’investissons des droits les plus absolus, même de celui de mort, sur tous ceux qui feront partie de l’expédition.

Il exercera la même autorité suprême et absolue sur toutes les contrées appartenant au bassin du Nil, au sud de Gondokoro.»

Muni de ces pleins pouvoirs du khédive, dit sir S. Baker, je commandai en Angleterre des navires et des bateaux de sauvetage en fer qui, pourvus de machines de premier ordre, devaient être transportés en plaques et sections à travers le désert de Nubie.

En outre, j’avais commandé des scieries à vapeur, avec une chaudière pesant huit cents livres ; le tout devait être de même transporté à dos de chameaux, pendant plusieurs centaines de milles, par le désert de Nubie, et alternativement par bateaux et chameaux, d’Alexandrie à Gondokoro, c’est-à-dire à une distance d’environ trois mille milles (plus de quatre mille huit cents kilomètres).

La troupe anglaise était ainsi composée : moi et lady Baker ; le lieutenant Julien Alleyne Baker, de la marine royale ; M. Edwin Higginbotham, ingénieur civil ; M. Wood, secrétaire ; le docteur Joseph Gedge, médecin ; M. Marcopolo, garde-magasin en chef et interprète ; M. Me William, ingénieur en chef des steaniers ; M. Jarvis, chef contrôleur ; MM. Whitfield, Samson, Hitchman et Ramsall, constructeurs de navires, etc.[1]. Il y avait de plus deux domestiques.

Pour protéger le matériel, je fis construire quatre magasins en fer galvanisé, chacun de quatre-vingts pieds de long sur vingt de large.

Avant de quitter l’Angleterre, je choisis tout ce qui était nécessaire pour notre équipement[2]. Il s’y trouvait compris un immense choix de marchandises de Manchester : draps de coton, calicot gris, coton, couvertures de laine blanches, rouges et bleues, écharpes indiennes, rouges et jaunes, mouchoirs de perse à couleurs éclatantes, chemises de flanelle écarlate, serge de couleur (bleue, rouge), pantalons de toile, etc. ; -- des outils de toutes sortes : haches, hachettes, grelots de harnais, verges de cuivre, peignes, miroirs en zinc, couteaux, faïences, assiettes d’étain, hameçons, boîtes à musique, images coloriées, bagues, rasoirs, cuillers étamées, montres à bon marché, etc., etc.

En outre des marchandises et des fournitures générales, j’avais plusieurs grandes boîtes à musique avec cloches et tambours, une excellente lanterne magique, une batterie magnétique et un assortiment de jouets. Ce qui émerveilla surtout les indigènes, ce furent deux grandes girandoles et des boules argentées, d’environ six pouces de diamètre, qui, suspendues à des branches d’arbre, reflétaient ce qui se trouvait au-dessous.

Je décidai que l’expédition partirait en trois divisions. Six steamers, variant de quarante à quatre-vingts chevaux-vapeur, devaient quitter le Caire en juin 1869, en même temps que quinze sloops et quinze dahabièhs[3], -- en tout trente-six navires, -- et remonter les cataractes du Nil jusqu’à Khartoum, ayant ainsi à accomplir un voyage par eau d’environ mille quatre cent cinquante milles (environ deux mille trois cent vingt kilomètres). Ces navires devaient transporter la totalité des marchandises.

Je devais trouver de plus, lorsque j’arriverais à Khartoum, vingt-cinq navires et trois steamers prêts à partir. Le gouverneur général du Soudan égyptien, Giaffer (ou Djiafer)-Pacha, avait reçu l’ordre de fournir ces navires pour une date précise, en même temps que les chameaux et les chevaux nécessaires pour les transports par terre.

Ainsi, selon mon programme, quand la flotte partie du Caire arriverait à Khartoum, les forces navales à ma disposition devaient se composer de neuf steamers et de cinquante-cinq voiliers. On verra combien mes espérances furent déçues.

M. Higginbotham fut investi du commandement du transport par le désert, de Korosko à Khartoum. C’est à cet excellent officier que je confiai les steamers démontés et les machines, et je mis sous ses ordres les ingénieurs et les mécaniciens anglais.

L’arrière-garde devait suivre une autre route, celle de Souakim sur la mer Rouge. De ce point à Berber, sur le Nil, par 17° 37’ de latitude nord, en traversant le désert, la distance est de deux cent soixante quinze milles (environ quatre cent quarante kilomètres).

Mes forces militaires devaient se composer de mille six cent quarante-cinq hommes, y compris deux cents cavaliers irréguliers et deux batteries d’artillerie. L’infanterie formait deux régiments : l’un, le régiment noir ou soudanien, se composait d’officiers et de soldats ayant servi quelques années au Mexique dans l’armée française ; l’autre, le régiment égyptien, était presque entièrement formé de condamnés pour divers délits ou crimes.

Cette troupe, ainsi que les munitions, devait être concentrée à Khartoum et m’y attendre.

  1. Il n’est pas indifférent de noter qu’à la compagnie anglaise s’était adjoint, à titre d’attaché scientifique, un de nos compatriotes, M. H. de Bizemont, lieutenant de vaisseau, avec l’autorisation du ministre de la marine et une mission de la Société de Geographie de Paris. Il se rendit séparément à Khartoum, où il se mit en relation, comme on le verra plus loin, avec sir S. Baker ; mais la déclaration de guerre de 1870 lui fit un devoir de revenir subitement en France. Il a donné un récit intéressant de son voyage et un résumé de celui de sir S. Baker dans une livraison de la Revue maritime et coloniale (septembre 1874).
  2. Ces énumérations, que nous reproduisons d’après sir S. Baker, nous paraissent pouvoir ne nas être inutiles à de futurs voyageurs.
  3. Barques en fer dont la représentation exacte sur nos gravures (p. 48 et autres) rend ici la description inutile.