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haut degré, non-seulement à la civilisation de l’Afrique, mais à l’humanité tout entière.

Ajoutons que ce récent voyage a été pour sir S. Baker l’occasion d’observations et d’études de diverses natures, qui, en dehors même de la question de la traite, donnent à son récit un intérêt au moins égal à celui de ses deux précédents ouvrages ’.


But de l’expédition. - Un firman du khédive. - Préparatifs. Approvisionnements. - Soldats.

Au commencement de sa relation, sir S. Baker fait connaître les motifs qui l’ont conduit à s’exposer de nouveau, avec sa fidèle et vaillante compagne 2, aux fatigues et aux périls de cette aventureuse excursion dans l’Af1-ique centrale.

<< Lors de mon premier voyage, dit-il, j’avais traversé des contrées dfune extrême fertilité, douées d’un climat salubre, favorable à- -l’¢-Établissement des Européens, à une altitude moyenne-de douze cents mètres au-dessus du niveau de la mer. “

<< Cette zone immense, presque sans limites, était abondamment peuplée par une race qui ne demandait que la protection d’un gouvernement fort, mais paternel, pour prendre une importance considérable et développer les admirables richesses du sol.

«Je rencontrai des régions dont la valeur naturelle variait suivant la situation et l’altitude, où le sucre, le coton, le café, le riz, les épices et tous les produits des tropiques pouvaient être cultivés avec succès ; mais ces régions étaient dépourvues de toute forme de gouvernement civilisé, et << chaque individu y faisait ce qui lui semblait bon. ›› S

<¢ Dans un milieu aussi anarchique et aussi confus, la traite florissait au détriment de tout progrès. Des contrées riches et bien peuplées étaient converties en désert ; les femmes et les enfants étaient emmenés- e-n captivité, les villages brûlés, les récoltes détrui tes ou pillées, les habitants chassés ; un paradis terrestre se trouvait converti en une région infernale ; les indigènes, d’abord bienveillants pour les étrangers, leur étaient devenus hostiles ; et le résultat général de la traite ne pouvait être exprimé que par un seul mot : << ruine. ›› - V

<< Les chasseurs et les trafiquants d’esclaves, causes de cette désolation, étaient pour la plupart des Arabes, sujets* du’gouvernement égyptien. Abandonnant leurs occupations agricoles dans le Soudan, ils s’étaient constitués en bandes soudoyées par divers’commerçants de Khartoum. Un seul de ces commerçants avait à sa’solde environ deux mille cinq cents Arabes, employés, en qualité de forbans et de brigands, ’dans l’Afrique centrale., Soumis à une grossière organisa- 1. The Albert N’yanza et the Nile t-g-ibutaz-ies of Abyssinia. 2. Nos lecteurs n’ont pas oublie la part prise par Mme Baker aux précédentes expéditions de son mari. Lorsque, dans la séance du 12 avril 1867, M. de’Chasseloup-Laubat remit. médaille d’or a sir S. Baker (il n”avait pas encore alors, ce titre nobiliaire), l’illustre voyageur l’oftrit aussitôt il sajeune femme, aux applaudissements de toute l’assemblée.

tion militaire, armés de mousquets, ils formaient des compagnies et obéissaient, en beaucoup de cas, à des officiers qui avaient déserté leurs corps en Égypte ou dans le Soudan,

<< On porte à environ quinze mille les sujets du khédive qui, au lieu de s’employer utilement et payer l’impôt en Égypte, s’étaient engagés dans le soi-disant commerce d’ivoire, mais surtout, en réalité, dans la chasse aux esclaves du Nil Blanc.

’<< Ainsi d’immenses zones étaient occupées par des bandes armées venues de Khartoum, lesquelles s’alliaient aux tribus indigènes pour attaquer et détruire les tribus voisines, et enlever les femmes et les enfants, en même temps que de nombreux troupeaux de bêtes à laine et à cornes.

<< On croit pouvoir affirmer qu’au moins cinquante mille individus étaient ou capturés et détenus dans expédiés par le Nil

les divers camps (zaribas), ou

Blanc et les routes de terre, le Darfour et le Kordofan. Les morts, résultant de la capture des esclaves et des traitements barbares qui leur étaient ensuite infligés, constituaient un chiffre effrayant. Cette émigration forcée, jointe à l’incertitude de vivre et de posséder, avait pour conséquence la dépopulation des districts infestés. Les indigènes devaient ou se soumettre aux insultes de toutes sortes, au pillage, ou abandonner leurs demeures et aller au loin chercher l’indépendance, ou bien encore s’allier à leurs oppresseurs. ››

Telle était la situation de l’Afrique centrale et du Nil Blanc, lorsque Ismail-Pacha, le khédive actuel d’Égypte, résolu à abolir la traite en remontant aux sources mêmes du mal, fit demander à sir S. Baker de dresser le plan d’une expédition militaire. Après avoir modifié celui qui lui fut bientôt soumis, il envoya au voyageur anglais un firman d ont voici le texte : Nous, Ismaïl, khédive d’Égypte,

Considérant la condition sauvage des’tribus habitant le bassin du Nil ;

Considérant que ces contrées manquent à la fois de gouvernement, de lois et de sécurité ; Considérant que l’humanité impose le devoir de supprimer les chasseurs d’esclaves qui pullulent dans ces contrées ;

Considérant que l’établissement, dans ces contrées, d’un commerce legitime, ’sera un grand pas fait dans la voie de la future civilisation, et aura pour résultat d’ouvrir åt la navigation à vapeur les grands lacs équatoriaux de l”Afrique centrale et de fonder un gouvernement permanent ;

Avons décrété et décrétons ce qui suit : Une expédition est organisée pour soumettre a notre autorité les contrées situées au sud de Gondokoro ; Pour supprimer la traite et introduire un système de commerce régulier ;.

Pour-ouvrir à la navigation les grands lacs de l’équa teur ;

Enfin, pour établir une ligne de stations militaires et d’entrepôts commerciaux, séparés les uns des autres