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tagnes, dont plusieurs sont d’anciens volcans, ont une très-grande élévation et portent un manteau de neige pendant la plus grande partie de l’année. Voici, à ce sujet, comment un document indigène décrit la montagne Paik-tou-san :

« Il est impossible de mesurer la hauteur de la montagne Paik-tou-san. Un lac se trouve au sommet ; l’eau en est noire et l’on n’en peut mesurer la profondeur. Il y a de la neige et de la glace jusqu’à la quatrième lune (fin de mai). La blancheur s’en fait remarquer de loin et le sommet ressemble à un grand vase blanc. Il est déchiqueté comme un vase dont l’ouverture serait tournée vers le ciel. Le cratère est blanc à l’extérieur, et rouge avec des veines blanches à l’intérieur. Du côté du nord, il en sort un ruisseau de un mètre de profondeur qui tombe en cascade et forme la source du fleuve Heuk-yeung (Dragon Noir). À trois ou quatre lis (mille deux cents à mille six cents mètres) du sommet de la montagne, le Heuk-yeung se divise en deux branches, dont l’une est la source du fleuve Hap-nok-kang (Canard Vert). »

La superficie de la Corée est d’environ deux cent seize mille kilomètres carrés, et le nombre de ses habitants est évalué à huit ou neuf millions[1]. La population moyenne est donc à peu près de trente-six personnes par kilomètre carré, ou la moitié de ce qu’elle est en France. Mais cette population est, comme dans tous les pays de montagnes, très-inégalement répartie. Assez dense dans les grandes vallées, et surtout près de la côte occidentale, elle est rare à l’est et devient presque nulle dans les provinces du nord. Dans ces dernières, le manque d’habitants ne tient ni à la rigueur du climat, ni à l’ingratitude du sol qui est au contraire fertile, mais bien à un acte politique. En effet, le gouvernement coréen a dans cette région supprimé quatre villes et créé un désert frontière destiné à le protéger contre les invasions tartares. Cette barrière n’est ni plus efficace ni moins singulière que la grande muraille ; les deux se valent en fait d’absurdité.

Quoique comprise entre les mêmes parallèles que l’Asie Mineure, la Corée est loin de jouir d’un climat aussi doux. Ainsi que dans toutes les contrées avoisinantes, les températures sont extrêmes. L’été est chaud et très-pluvieux, tandis que l’hiver est sec et froid. C’est pendant cette saison que les vents du nord-est, qui ont passé sur les steppes glacés de la Mongolie, soufflent avec le plus de violence. Les plus beaux mois de l’année sont ceux de septembre, octobre, novembre et décembre. I

La Corée est divisée actuellement en huit provinces, dont voici les noms :

1. Kieung-kei-to.
2. Tcheoung-tchieung-to.
3. Tjieun-lo-to.
4. Kieung-sang-to.
5. Kang-ouen-to.
6. Houng-hai-to.
7. Ham-kieung-to.
8. Pieung-an-to.

Chacune de ces provinces, très-inégales en importance, est administrée par un gouverneur, sorte de préfet, qui a sous ses ordres un nombre de mandarins proportionné à celui des villes de la province.

Le gouvernement de la Corée est la monarchie absolue héréditaire. Le conseil du roi est composé de trois ministres supérieurs, et de six ministres inférieurs chargés chacun d’un département répondant à peu près aux nôtres. Le roi reconnaît la suzeraineté du Fils du Ciel et lui paie ou doit lui payer un tribut. Chaque année, deux ambassades se rendent à Pékin. La première va chercher le calendrier, ce qui, soit dit en passant, ne fait pas honneur aux astronomes coréens ; la seconde, qui doit arriver dans la capitale de la Chine vers le premier jour de l’an chinois, porte à l’empereur les vœux et les présents de son vassal. Chaque année aussi, un grand marché se tient sur la frontière, dans le petit village de Foung-pien-men ; les Coréens y apportent de superbes fourrures, la fameuse racine de gen-seng, si recherchée des Chinois, et divers autres articles que l’on échange contre les produits industriels du Céleste-Empire. Un commerce sans importance se fait aussi avec le Japon. Ce sont là les seules relations que la Corée entretienne avec ses voisins. Il n’en a pas toujours été ainsi, et cet état de choses n’existe que depuis le dix-septième siècle ou même postérieurement. Il ne s’est établi qu’à la suite de très-constantes relations tantôt pacifiques, tantôt hostiles, avec la Chine et le Japon.

Ainsi la Corée, grâce à sa position géographique, a joué le rôle d’intermédiaire entre le Céleste-Empire et celui du Soleil levant ; elle ne semble pas en avoir suffisamment profité, car son état actuel de civilisation ne peut être mis au même rang que celui de ses voisins.

C’est au premier siècle avant Jésus-Christ que les Coréens se mirent en rapport avec les Japonais ; le fils même du roi de Sin-ra, qui régnait sur la partie méridionale de la péninsule, se rendit près du mikado. Dans les siècles suivants, les ambassades coréennes introduisirent successivement au Nippon les livres de la philosophie et des sciences chinoises, plusieurs industries et certains animaux, entre autres le cheval. Une guerre survint avec la Chine. En l’an 12 de notre ère, les Coréens furent défaits par l’empereur chinois Sin-wang, et leur prince fut déclaré déchu du trône ; mais vingt années plus tard la royauté fut rétablie par l’empereur Kouang-wou-ti. Les hostilités alors recommencèrent et à plusieurs reprises les Coréens ravagèrent le Leao-tong. Le troisième siècle fut plein de revers pour la péninsule. En l’an 200, pendant une guerre civile due à la rivalité de deux frères de race royale, l’impératrice japonaise Ziu-ko débarqua sur la

  1. Un recensement datant de 1793 donne pour la population de la Corée le chiffre de 7 342 341. Les hommes étaient alors au nombre de 3 596 860 et les femmes au nombre de 3 745 481.