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éclairait à Sarayacu nos travaux nocturnes et enduisait l’intérieur de nos fosses nasales d’une si riche couche de noir de fumée, ce lampion doit les asphyxier à moitié. De là le besoin impérieux qu’éprouvent après huit heures de sommeil les poumons de ces indigènes de fonctionner dans un milieu plus pur que celui de la moustiquaire, où leurs émanations corporelles, en se mêlant à l’odeur du lampion, doivent former un bouquet sui generis dont je n’essayerai pas de dégager par l’analyse les principes constitutifs.


Un détail de mœurs Schetibos (Idylle sauvage).

À sept heures nous quittions la demeure des Schetibos et continuions notre route, décrivant de nombreux zigzags d’une rive à l’autre, pour aller reconnaître certains canaux qui communiquaient avec des lacs de l’intérieur. Vers midi, après avoir longé l’île de Santa-Maria et relevé le canal et le lac de ce nom, nous nous arrêtions pour déjeuner devant une berge d’ocre, plantée de cécropias. Sur ce talus, trop élevé pour que les débordements de l’Ucayali pussent le couvrir, trois habitations de Piros-Chontaquiros étaient édifiées. Nous entrâmes dans la plus grande. Cinq individus, dont trois hommes et deux femmes, s’occupaient à en réparer la toiture. Si cette demeure, assez vaste, du reste, n’avait ni l’élégance, ni la sveltesse du fameux hangar de Sipa, dont un de nos dessins a reproduit l’aspect, le type des Chontaquiros que nous avions sous les yeux n’offrait non plus aucune ressemblance avec celui de nos anciens rameurs de Santa-Rosa. Au lieu du profil busqué et du nez en bec d’aigle de la race des hauts sommets, ceux-ci avaient le masque rond, bonasse et souriant des Conibos, et ce je ne sais quoi de trapu dans la taille et de lourd dans l’allure qui caractérise la famille Pano et toutes les tribus de sa descendance[1]. À ce changement radical du physique s’ajoutait la différence du langage.

Paul Marcoy.

(La suite à la prochaine livraison.)




    tiquaire, elle varie suivant les ressources des individus. Certains habitants du Haut-Amazone ont de ces cadres d’étoffe sous lesquels peuvent dormir à l’aise huit ou dix personnes.

  1. En nous arrêtant un instant à ces affinités mystérieuses qu’a le visage humain avec la face de certains animaux, nous remarquerons que le facies de la race des hauts sommets, rappelle, par les lignes et l’expression, l’oiseau de proie du genre noble et que le masque de la race Pano a la plus grande analogie avec la face du Bradipède connu sous le nom d’ ou paresseux.