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qui aient jamais existé, se gardèrent bien de laisser inactifs les travaux des mines de cuivre et d’étain. Une nouvelle époque de prospérité marqua cette exploitation qui se continua pendant toute la durée de l’Empire, jusqu’à l’invasion des Barbares.

Au moyen âge, ce furent les Juifs qui se chargèrent de ces travaux comme en tant d’autres pays de l’Europe. On prétend même qu’attirés sur ce point, comme sur tous ceux où il y a un commerce lucratif à tenter, ils y étaient venus en foule bien avant l’époque de leur dispersion, ou de la prise de Jérusalem par Titus.

L’exploitation des mines, suivant les idées de ces temps, fut déclarée de droit régalien, c’est-à-dire appartenant à la couronne, qui seule pouvait battre monnaie ; mais les particuliers avaient permission d’exploiter le cuivre et l’étain en payant au souverain le droit de royalty.

Cette redevance existe encore aujourd’hui en Angleterre, d’où les vieilles lois et coutumes n’ont jamais tout à fait disparu, et elle est toujours payée, notamment pour l’exploitation des mines de charbon, aux propriétaires du sol, qui occupent dans la possession de la terre, surface et tréfonds, le lieu et place du souverain. Les mines de métaux du Cornouailles sont restées la propriété de la couronne, du moins sur les terrains vagues, et sont données en apanage à l’héritier présomptif, qui perçoit sur les exploitants le droit de royalty. Les propriétaires de la surface se réservent de même une part dans l’exploitation, quand la mine existe sous le sol qui leur appartient.

Ce fut Édouard III qui, en 1333, fit cadeau des mines et du duché de Cornouailles à son fils aîné le Prince Noir, le futur vainqueur du roi Jean, et à ses héritiers les fils aînés des rois et des reines d’Angleterre à perpétuité. C’est en vertu de cet acte que les mines et le duché de Cornouailles sont encore aujourd’hui la propriété du prince de Galles, qui en tire ses plus beaux revenus.

On vient de voir que ce furent les Juifs qui pendant tout le moyen âge donnèrent le plus grand développement aux mines d’étain du Cornouailles. Ils étaient disséminés autour de Marazion, dans lequel certains étymologistes voient les deux racines amara Sion. D’autres font venir Marazion de Marziou ou market jew, le marché des Juifs, et ce lieu aurait été alors au moyen âge le grand marché de l’étain. Enfin, des ruines de tours et des restes d’exploitations souterraines qui remontent à cette époque portent dans le pays le nom de Jew’s houses, ou maisons des Juifs.

L’étain s’employait au moyen âge dans la confection d’une foule d’ustensiles qui depuis se sont fabriqués autrement ; tandis que dans l’antiquité, allié au cuivre, il servait surtout à la confection du bronze. Le bronze ou airain, le χαλκός des Grecs, l’æs des Latins, a été le grand métal des anciens, qui avaient même appris à le tremper et à lui communiquer la dureté que nous donnons à l’acier. Le bronze servait alors à fabriquer tous les objets d’un usage journalier, les armes, les ustensiles de la vie domestique ; en même temps il était employé, comme aujourd’hui encore, dans la fabrication de la monnaie commune, et dans la fonte des objets d’art, médailles ou statues. À notre époque, le bronze, l’étain, le cuivre, ont presque entièrement disparu des usages ordinaires ; mais le fer est venu, et avec lui la fonte et l’acier. Que d’emplois divers ces trois derniers métaux ont reçus, et combien ils ont aidé, d’une manière directe ou détournée, au progrès de la civilisation ! Admirons sans l’étudier davantage cette curieuse évolution des métaux, et nous, les fils de l’âge de fer, soyons fiers du temps présent, et reconnaissons que notre siècle ne sera pas le plus mal partagé dans l’histoire des âges.

Presque tous les historiens de l’antiquité, Strabon, Pline, Diodore de Sicile, Timée, ont parlé des travaux métallurgiques du Cornouailles, et ils y font souvent allusion dans leurs écrits.

Diodore de Sicile, dans un des livres qui ont été conservés de sa Bibliothèque historique, dit que les anciens Bretons chargeaient d’étain sur des bateaux d’osier recouverts de cuir, et le portaient vers l’île d’Ictis. Il faut avouer que les Bretons d’alors étaient plutôt mineurs et fondeurs que marins, et que rien ne faisait présager en eux les hardis navigateurs de la moderne Angleterre.

L’historien grec Timée, qui mentionne également les exploitations minérales des anciens Bretons du Cornouailles, diffère un peu de Diodore de Sicile. Il dit que c’était sur des chariots qu’on transportait l’étain à marée basse vers les îles voisines de la Grande Bretagne.

Que ce fût sur des chariots ou dans des bateaux d’osier recouverts de cuir que les Bretons d’Albion aient conduit l’étain dans les îles limitrophes de leurs rivages, toujours est-il que c’est dans ces îles que les Phéniciens, les Carthaginois, les Grecs et plus tard les Romains venaient charger ce métal, pour le vendre ensuite dans tous les ports de la Méditerranée. L’étain portait alors le nom de plomb blanc, plumbum album, et c’est sous ce nom qu’il est décrit dans l’Histoire naturelle de Pline. L’auteur latin revient à plusieurs reprises sur les bateaux d’osier, et lui, qui d’ordinaire fait si bon accueil à tant de récits mensongers ou étranges, va jusqu’à dire cette fois que c’est là une fable imaginée par les Grecs pour cacher les véritables gisements de l’étain dans les îles de l’Atlantique.

De l’époque du moyen âge, il nous reste une foule de manuscrits et de lois spéciales qui ont trait aux mines du Cornouailles ; enfin l’époque contemporaine l’emporte encore sur toutes les autres par l’importance et l’immensité des exploitations.

C’est surtout autour de Penzance qu’on peut étudier ces curieux travaux ; mais il importe de donner au préalable un coup d’œil sur le pays, et de parler de l’extérieur avant de pénétrer dans les profondeurs du sol.

Penzance, ou nous étions descendus, est la dernière