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sions du Haut-Huallaga, entreprirent une exploration de la plaine du Sacrement qui les conduisit après bien des fatigues chez les Panos de Manoa. Ceux-ci prenant l’alarme à la vue d’inconnus auxquels ils supposaient des intentions hostiles, les accueillirent à coups de flèche et de massue. Un engagement général s’ensuivit, et quelques morts des deux partis restèrent sur le carreau. Dans le désordre de la mêlée, les religieux réussirent à s’emparer de trois enfants Panos qu’ils emmenèrent avec eux.

Deux ans après cet essai de conquête apostolique et malgré les tristes avantages qu’on en avait retirés, de nouveaux missionnaires partis de Huanuco avec une escorte de soldats espagnols, tentaient de se frayer un passage à travers les forêts de la plaine du Sacrement et d’arriver jusqu’aux peuplades infidèles. Mais après huit jours de marche à l’aventure, les soldats, rebutés par la fatigue et le mauvais état des chemins, se mutinaient et refusant de passer outre, obligeaient les religieux à revenir sur leurs pas.

Façade de l’église de Sarayacu.

Au mois de mai 1760, une nouvelle expédition fut résolue. Elle se composait des pères franciscains Miguel Salcedo et Francisco de San José, de quatre-vingt-dix néophytes, de sept Espagnols et d’un interprète. Cet interprète, jeune fille de la nation Pano, était un des trois enfants qu’en 1757, les pères Fresneda et Cabello avaient capturés. Baptisée par eux, sous le nom d’Ana Rosa, elle avait été élevée à Lima dans le monastère de Sainte Rose de Viterbe, et comme en apprenant l’espagnol et le quechua, elle n’avait pas oublié sa langue maternelle, on l’avait adjointe à l’expédition pour faciliter ses rapports avec les naturels. En atteignant le territoire des Panos, les religieux la détachèrent en avant pour annoncer leur arrivée aux gens de sa tribu. Ceux-ci qui l’avaient crue morte ou esclave, furent charmés de la revoir et la comblèrent de caresses. Ana Rosa, usant adroitement du prestige que lui donnaient aux yeux des siens son éducation, ses manières et le costume de novice qu’elle avait adopté, sut disposer leur esprit en faveur des missionnaires. Hommes et femmes accueillirent cordialement ces derniers et leur promirent d’embrasser la religion chrétienne.

Charmés de l’accueil de leurs hôtes et confiants dans leur promesse, les religieux résolurent de fonder une Mission en cet endroit. Le père Salcedo, accompagné de ses néophytes, retourna bientôt à Ocopa rendre compte à ses supérieurs du résultat de son voyage, laissant le père San José, les sept Espagnols et Ana Rosa à Suaray, ainsi se nommait le village des Panos où ils avaient établi leur séjour. Dix-huit mois s’écoulèrent sans que le père San José reçût de nouvelles de son compagnon. Pendant ce temps, il vécut de la vie des Indiens, chas-