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sommes heureux de trouver, à la nuit tombante, les vingt-cinq maisons du village de Baloukeuï, suspendues aux flancs d’un rocher. Les pauvres gens qui l’habitent n’ont pour chaque famille qu’une étroite cabane en planches qui de loin ressemble à un tas de bois ; aucun d’eux ne peut nous offrir l’hospitalité. Mais une petite mosquée se dresse au centre du village ; un réduit de trois mètres carrés en dépend : quatre murs sans enduit, et un toit abritant le sol nu. Nous y plaçons les lits de camp et nos domestiques s’installent dans la tribune de la mosquée avec laquelle une porte met notre chambre en communication.

Philippe se procure du riz et des œufs. Pendant que nous soupons sur nos cantines, quelques hommes se présentent et nous demandent de venir avec eux passer la soirée à l’affût pour tuer les sangliers qui ravagent leurs champs. Il y a deux mille cinq cents ans, au temps de Crésus, les montagnards de l’Olympe se plaignaient déjà de ces incommodes voisins :

« En ce temps-là, un sanglier monstrueux parut en Mysie ; il descendait de l’Olympe et dévastait les champs… Des messagers furent envoyés à Crésus et lui dirent : « Ô roi, un sanglier énorme s’est montré sur notre territoire et il détruit nos moissons… ; Nous te supplions de nous envoyer ton fils et l’élite de tes jeunes gens avec leurs chiens. »

Aizani (Tchavdir-Hissar) : Pont et quai du Rhyndacus. Temple de Jupiter (voy. p. 256).

« Crésus refuse d’abord de laisser partir son fils Atys, car un songe lui a fait pressentir qu’il périrait de mort violente ; mais, vaincu par les prières du jeune prince, il le confie aux soins d’Adraste, fils de Gordius, roi de Phrygie. « Adraste, lui dit-il, je t’ai accueilli dans ma demeure ou je pourvois à toute ta dépense ; maintenant (car tu dois par du dévouement répondre à mes bienfaits), je te demande de veiller sur mon fils qui s’en va à la chasse ; protége-le dans le chemin contre les malfaiteurs qui pourraient l’attaquer. Il est juste, en outre, que tu cherches l’occasion de te signaler en ces travaux où tes pères ont excellé.

« — Je suis prêt, répond Adraste, à faire ce que tu demandes, à veiller sur ton fils comme tu l’ordonnes ; attends-toi donc à le voir revenir sain et sauf, autant que cela peut dépendre de son gardien. »

« Il dit ; après quoi Atys et lui partirent bien équipés, avec les jeunes gens d’élite et les chiens.

« Arrivés sur le mont Olympe ils se mirent en quête de la bête farouche. Ils la trouvèrent, ils l’entourèrent d’un cercle et lancèrent leurs javelines. Or, Adraste ayant dirigé son trait sur le sanglier, le manqua et atteignit le fils de Crésus. Atys, frappé par la pointe de fer, accomplit la prédiction du songe[1]. »

  1. Hérodote, Histoires, l. I, de xxxvi à xlv.