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avoir deux ou trois mètres de côté et la forme d’un cône renversé. Le fond est à claire-voie et domine une large cuve enfoncée dans la terre. On monte au cageot par un sentier tournant. C’est là qu’on verse les foies de morue afin de les faire fermenter. L’huile découle par la claire-voie dans la cuve où on la recueille ensuite afin de l’enfermer dans des barils. Pour un esprit observateur, il y a lieu de se demander ce qui est le plus repoussant de l’aspect du chauffant ou de celui du cageot. Je laisse la solution de ce point à de plus habiles, et me sens heureux de pouvoir désormais éloigner précipitamment jusqu’à ma pensée de l’un aussi bien que de l’autre.

Jusqu’à ces dernières années, la manière dont nos gens s’y prenaient pour saler la morue donnait lieu a des critiques universelles.

Aujourd’hui, parmi nos capitaines, il se trouve des gens actifs et de bon sens qui commencent, non pas à imiter les Anglais, mais à revenir à nos anciens us. Au lieu de couvrir au hasard le poisson de pelletées de sel, ils exigent de leurs hommes que ce préservatif soit appliqué en plus petite quantité et avec plus de soin, principalement le long de l’épine dorsale. Ils soumettent le poisson à une dessiccation plus longue ; ils l’emballent dans des caisses plus petites, où à l’aide de presses ils en font entrer davantage, et ils obtiennent ainsi des résultats que l’expérience des dernières années a fait reconnaître très-supérieurs à ceux que l’on avait atteints jusqu’ici.

Saint-Jean, capitale de la colonie anglaise de Terre-Neuve. — Dessin de Le Breton d’après une photographie.

Tout établissement de pêche, à l’île Rouge comme ailleurs, a surtout besoin, outre les chauffauts et les cageots, de ce qu’on appelle les graves, puisque c’est là qu’on sèche le poisson. Sans les graves, il n’y aurait point d’exploitation possible, et c’est pour ce motif que nous jouissons du droit d’occuper la côte pendant la saison de la pêche.

Les graves n’étaient dans l’origine que les grèves mêmes, dont le nom est ici prononcé à la normande. On construit maintenant en pierres et dans tous les lieux bien découverts, particulièrement exposés à l’action du soleil et surtout du vent, des graves artificielles. Le soleil, dit-on, ne sèche pas, il brûle ; le vent, au contraire, remplit merveilleusement l’office, et afin d’éviter l’un et de favoriser l’autre, on a aussi inventé ce qui s’appelle des vigneaux. Ce sont de longues tables de branchages mobiles que l’on peut incliner dans tous les sens, suivant que l’on veut soumettre directement la morue à l’influence du vent ou la soustraire à celle des rayons solaires, ce qui, du reste, est rarement redoutable.

Et voilà la moisson de Terre-Neuve ! Qu’on se figure des côtes stériles, un ciel gris, la campagne couverte de séries de vigneaux et de graves de pierres ou même de bois sur lesquels s’étalent et se racornissent à mesure