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celui de Mariposa, il existe également une forêt d’arbres géants que les Américains ont baptisée du nom de mammoth trees ou arbres mammouths. Ces colosses sont, en effet, dans le règne végétal ce que les éléphants mammouths, aujourd’hui éteints, étaient pour le règne animal. On a donné des noms assez singuliers aux arbres du Calaveras. Ainsi il y a le Père de la forêt, et la Mère et la Fille, qui composent ensemble le Groupe de famille ; puis viennent les Trois Sœurs, le Mari et la Femme, le Vieux célibataire, la Case de l’oncle Tom, la Cabane du mineur. Ce dernier à tout récemment été frappé de la foudre, et il est aujourd’hui couché par terre, à côté du Père de la forêt, qui s’est affaissé à son tour, mais sous l’effet d’une vieillesse presque cinquante fois séculaire.

Forêt de « sequoias giganteas. » — Dessin de Paul Huet d’après une photographie.

De la forêt des big trees, nous passâmes aux chutes de Yosemity, dont les rapides tombent d’aplomb, en trois sauts successifs, d’une hauteur totale de près de huit cents mètres. Les chutes du Niagara ne mesurent que trois cents mètres de largeur, et leur hauteur ne dépasse pas cinquante mètres. Mais aussi le volume d’eau qui passe ne saurait être comparé à aucun, et c’est surtout à ce point de vue qu’il faut comprendre l’étonnant effet de ces chutes. Celles de Yosemity n’en occupent pas moins une des premières places parmi les curiosités naturelles de l’Amérique, et ce sont, dans tous les cas, les plus hautes chutes du monde.

Je ne pouvais me lasser d’admirer le splendide et pittoresque paysage dont j’étais environné. Au pied des chutes, un lac. Ce lac se déchargeait en déversoir dans la rivière que formaient ses eaux, et cette rivière serpentait entre deux hautes murailles de montagnes, roulant ses ondes paisibles au milieu des chênes, des peupliers et des pins, dont la vallée était ombragée. Des élans effarés venaient s’abreuver dans la rivière, et quelques Indiens dirigeaient à la rame un fragile esquif servant à passer les visiteurs.

Après être restés toute une journée dans cette Tempé américaine, que les anciens, s’ils l’avaient connue, auraient chantée à l’égal de celle de la Grèce, nous reprîmes le chemin de Coulterville.

En abandonnant à tout jamais ce site enchanteur, je jetai un dernier regard en arrière, regrettant de ne pouvoir planter ma tente dans cet endroit privilégié. Bientôt nous nous enfonçâmes de nouveau dans les bois, et nous reprîmes des sentiers connus, à travers lesquels je ne promènerai pas le lecteur. Ça et là nous rencontrions

    également reconstitué l’un des cèdres géants de la Californie, ce qui convaincra les plus incrédules. Le dessin que nous reproduisons page 24 représente le plus gros des cèdres géants, celui que les Américains ont nommé le Père de la forêt. On y voit la partie inférieure du tronc qui a été dépouillée de l’écorce.