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ration ; puis nous revenons sur nos pas et bientôt j’éprouve, je l’avoue, une vive satisfaction à respirer en plein air. Un éboulement, un faux pas ou même la chute d’une pierre pouvait, dans cet humide souterrain, mettre un terme à ma curiosité et à mes voyages.

Le guide me donna un certificat constatant que j’ai traversé la cataracte centrale. Ce papier, dont j’offre le fac-simile au lecteur, me rappellera une exploration que je ne recommencerais certes pas, mais que je recommande à tout être blasé et en quête d’émotions. Elles ne lui feront pas défaut dans la grotte des Vents.

Fac simile d’un certificat délivré par le gardien de la grotte des Vents[1].

En remontant gaiement l’escalier, je souhaitai bonne chance à des jeunes gens qui se préparaient à visiter le couloir sous-marin. Le visiteur a toujours à y redouter, entre autres périls, un de ces éboulements qui ont déjà plusieurs fois modifié l’aspect des chutes du Niagara. On a vu de nos jours des masses considérables se détacher de l’une et l’autre rive. Le fleuve, en effet, lime sans cesse la surface du rocher d’où il se précipite et les tourbillons de la cataracte en creusent incessamment la base.

Les géologues assurent qu’autrefois la chute se trouvait à Lewiston, non loin du lac Ontario. Elle se rapproche ainsi du lac Érie ; peut-être un jour la digue qui sépare les deux lacs et qui diminue toujours d’épaisseur, disparaîtra complétement et leur laissera confondre les niveaux aujourd’hui si différents de leurs eaux. Combien de siècles s’écouleront avant cette époque ?

  1. Voici la traduction de cet étrange certificat :

    GROTTE DES VENTS.

    Quelle scène auguste saluent les yeux étonnés ! — Les flots semblent tomber de l’espace sans bornes. — Plonger d’une sphère de lumière dans les ténèbres, — Rejaillir en écume et tonner dans l’abîme ; — D’une haute muraille de vagues ils barrent le large courant et voilent ses grottes humides. — Pendant que la chute étale ses radieuses splendeurs, — Les échos répondent aux rugissements de la cataracte, — Bondissent de roc en roc comme des êtres réels, — Fantômes vains, nés du choc des ondes.

    Ceci est pour attester que M. Louis Deville, de Paris, a passé sous la chute centrale et dans la grotte des Vents, sur la rive américaine, au pied de l’île de la Chèvre.

    Écrit de notre main, aux chutes du Niagara, ce 12 septembre 1854.

    N. H. Johnson, propriétaire.

    Imprimerie de Hackstaff. — Chutes du Niagara.