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tendant son râle, lèvent un moment leur tête velue, qui retombe presque aussitôt vers la terre, pour continuer à tondre le gazon[1].

On poursuit le buffle en toute saison, même quand la prairie est couverte de neige et que la chasse à cheval est impossible. Les animaux se traînent alors péniblement. L’Indien attache à ses pieds agiles de longs patins et court percer avec sa lance le buffle, qui s’enfonce dans une neige épaisse. C’est ainsi que la guerre d’extermination se poursuit sans trêve ni merci contre l’animal qui fait l’ornement des savanes. Nul ménagement, nulle pensée de prévoyance ; bientôt aura disparu le dernier buffle, et avec lui le dernier Peau-Rouge ; et avec le dernier Peau-Rouge toute la poésie de ce grand continent de l’Amérique du Nord. »

Dans ces parages, il faut toujours s’attendre à rencontrer des Indiens ; c’est ainsi que la troupe se vit accostée par deux jeunes hommes, à la taille élancée, armés d’un arc et d’un beau carquois en fourrure que garnissaient des flèches empoisonnées. C’étaient des Indiens Wakos, voisins des Witchitas, qui habitent à l’est d’une chaîne de montagnes portant ce dernier nom. De ces deux tribus, faciles à confondre, il ne reste plus que 200 Wakos et 800 Witchitas. Les alentours de leur village annoncent quelque agriculture ; on y voit du maïs, des fèves, des melons, etc. Pour tout instrument aratoire, ils n’ont qu’une pioche, à l’aide de laquelle ils mettent la semence en terre ; à peine le fruit est-il mûr, qu’ils se hâtent de consommer toute la récolte, et doivent alors pour vivre se livrer à la chasse que nous venons de décrire.

Camp d’Indiens Comanches. — Dessin de Duveau d’après les Reports of explorations, etc. (voy. la note 1 de la page 338).


Les Cross-Timbers. — Un singulier mirage. — Les Natural-Mounds. — La Gypse-Region. — Les Antelope-Hills. — Les Indiens Comanches.


On se trouvait non loin de la petite rivière Deer-Creek ou du Cerf, précisément au milieu de cette ligne boisée appelée les Cross-Timbers, dont le point de départ est à l’Arkansas, et qui s’étend au nord-ouest jusqu’aux Brazos, c’est-à-dire sur une longueur de plus de 400 milles, variant de largeur entre 5 et 30 milles. Cette bande de forêts, composée de chênes peu élevés, assez espacés pour laisser passer un chariot, forme pour ainsi dire la limite extrême entre les terres cultivées et la prairie, entre le monde civilisé et la nature sauvage. Au delà de cette barrière, les voyageurs virent pour la première fois le phénomène du mirage, une fausse antilope, poursuivie par un buffle imaginaire, et venant se désaltérer dans un lac absent.

Les Natural-Mounds, groupe de collines qui paraissent avoir fait partie d’un haut plateau, furent ensuite fran-

  1. Cette description et celle de la partie de balle ont déjà été publiées dans la Revue germanique.