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bientôt enseveli tout le corps du patient excepté la tête. Les deux baigneurs l’aidèrent alors à se relever et le conduisirent à un des bassins ; puis ils vinrent s’emparer d’un de nous et commencèrent avec lui la même cérémonie fantastique. Quelque temps après nous nous trouvions tous réunis dans la première pièce, enveloppés de grands peignoirs, ayant l’un un narguillé, l’autre une chibouque à la bouche, fumant ce délicieux tabac d’Orient dont l’odeur est véritablement un parfum. Nous étions couchés sur les tapis, recueillis dans un bien-être inexprimable.

Pendant ce temps-là, nos Persans, qui s’étaient rhabillés, se mirent à jouer d’un charmant instrument de forme allongée, en ébène et en nacre, dont les cordes sont en cuivre et que l’on fait vibrer avec une plume.

L’un d’eux nous chanta des vers de Saadi, le poëte célèbre de l’Orient.

Après une heure passée ainsi, dans un demi-sommeil qui ne nous empêchait pas d’entendre la musique, nous sortîmes et nous nous trouvâmes, par un beau clair de lune, dans les rues que nous avions visitées pendant le jour.

Costumes géorgiens. — Dessin de Moynet.

Tiflis n’est pas éclairé la nuit. On aperçoit seulement dans les rues principales quelques lanternes suspendues de place en place, pour empêcher les passants de se rompre le cou. Mais si les rues sont obscures, en revanche presque tous les toits et les balcons des maisons sont éclairés ; c’est là que se tient toute la population. La chaleur du jour est grande, et, du malin au soir, on s’enferme chez soi pour se mettre à l’abri de l’ardeur du soleil ; mais, dès que la nuit approche, il semble que la ville s’éveille, les balcons, les terrasses se garnissent de monde ; un autre Tiflis, lumineux, aérien, vient de s’élever comme par enchantement. Les belles Géorgiennes se livrent alors à la danse, et l’on entend de toutes parts des chants et des instruments de musique.