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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

VERRAT.

Est-ce que ce n’est pas évident ? Il faut qu’ils aient perdu la raison pour nous combattre.

TEULIER.

Gardons la nôtre. Notre force est d’être des hommes libres et conscients ; n’y portons pas atteinte. S’il faut une ivresse à nos hommes, la Marseillaise suffit.

D’OYRON.

C’est insensé ! On n’a jamais fait la guerre ainsi.

VERRAT.

Le bougre ! Il se croit toujours dans les camps de Capet ! Il faut qu’il lésine sur la peine et la vie des hommes, comme au temps où les brigands couronnés faisaient la guerre, à coups de mercenaires. Ils se gardaient bien alors d’exposer aux balles des peaux qui leur avaient coûté si cher !

D’OYRON.

La peau des sans-culottes est-elle meilleur marché ?

TEULIER, avec une exaltation froide et concentrée.

Oui, d’Oyron, la vie est pour rien ici. Tout le monde en a fait le sacrifice. Donne-la sans compter, quand la nation le veut.

D’OYRON.

Vous savez bien que je ne crains pas pour moi, et je ne suis pas plus ménager qu’un autre de la vie des soldats. Mais je ne puis souffrir l’absurde, et je hausse les épaules, quand je vois agir contre toutes les règles de la guerre, comme on le fait ici depuis deux mois.

TEULIER.

Les règles de la guerre ! elles se font en ce moment. Il n’y a rien eu avant nous. Nous renouvelons le monde, et la guerre comme le reste.

D’OYRON, croisant les bras et les regardant tour à tour en face, avec impertinence.

Je vous admire. Vous vous mêlez de guerre depuis tout