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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

LE PRÉSIDENT.

Ces sorties indécentes ne peuvent que nuire à votre cause. Ceux qui vous accusent jouissent de l’estime publique. Disculpez-vous d’abord : un accusé ne devient digne de foi que lorsqu’il s’est lavé des soupçons qui ôtent toute valeur à ses dénonciations. — Votre républicanisme n’est pas seul en cause ; on accuse votre caractère tout entier, vos mœurs scandaleuses, vos débauches, vos prodigalités, vos rapines, vos concussions.

DANTON.

Ne te débonde pas d’un coup ! Rebouche le tonneau de ton éloquence[P 1] ; dispense-la goutte à goutte, que rien n’en soit perdu. — De quoi m’accuse-t-on ? D’aimer la vie, d’en jouir ?… Certes, j’aime la vie. Tous les pédants d’Arras et de Genève ne parviendront pas à étouffer la joie qui fermente dans la terre de Champagne, gonflant les bourgeons de vignes et les désirs des hommes. Vais-je rougir de ma force ? La nature m’a donné en partage les formes athlétiques et de vastes besoins. Exempt du malheur d’être né d’une race privilégiée et abâtardie, j’ai conservé, à travers les orages d’une carrière dévorante, toute ma vigueur native. De quoi vous plaignez-vous ? C’est cette vigueur qui vous a sauvés. Que vous importe que je passe mes nuits au Palais-Royal ? Je ne fais pas tort d’une caresse à la Liberté. Mes flancs suffisent à tous les embrassements. Vous proscrivez le plaisir ? La France a-t-elle fait vœu de chasteté ? Sommes-nous tombés sous la férule d’un magister maussade, ou, parce qu’un vieux renard a la queue coupée, faut-il que nous perdions la nôtre ?[P 2].

LE PRÉSIDENT.

On vous accuse d’avoir détourné à votre profit une partie de l’argent qui vous était confié par l’État ; vous avez


LE PEUPLE.
  1. Rires.
  2. Rires bruyants et prolongés.