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DANTON

ÉLÉONORE.

Il est allé chez votre sœur, la prier d’intercéder pour lui.

ROBESPIERRE, changeant d’expression, inquiet, timide.

Ah ! mon Dieu, elle va venir !… Le drôle lui a persuadé qu’il l’aimait ; elle ne l’estime point ; mais des hommages flattent toujours une femme, de quelque part qu’ils viennent. Elle prendra sa défense. Au nom du ciel, ne la laissez pas entrer ! Dites-lui que je suis occupé, que je ne puis voir personne.

ÉLÉONORE, souriant.

Vous bravez tous les tyrans de l’Europe, et votre sœur vous fait peur.

ROBESPIERRE, souriant.

C’est une bonne femme, elle m’aime. Mais elle est si fatigante ! Ses jalousies continuelles, les scènes qu’elle fait à tout moment, me rompent la tête. Je crois que j’accepterais tout, pour qu’elle se tût.

ÉLÉONORE.

Soyez tranquille : maman est avertie, elle l’empêchera d’entrer.

ROBESPIERRE.

Chers amis ! avec quel soin vous veillez sur mon repos !

ÉLÉONORE.

Nous en sommes responsables envers la nation.

ROBESPIERRE.

Quel bien me fait votre maison ! Quel repos y goûte mon âme ! Ce n’est pas un égoïste abri loin des orages du dehors. La porte est grande ouverte aux soucis de la patrie ; mais ils prennent en entrant je ne sais quelle teinte auguste. Ici, on reçoit la destinée en homme, sans incliner la tête, et les yeux dans les yeux. Je n’ai jamais franchi ce seuil, sans respirer dans l’air de cette cour, dans cette odeur de bois coupé, la paix et l’espérance. L’honnête figure de Du-