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DANTON

WESTERMANN, tout à fait démonté.

Mais enfin, citoyen, qu’ai-je fait ? de quoi m’accuses-tu ?

ROBESPIERRE.

Le Comité de Salut public vous le dira.

WESTERMANN.

J’ai le droit d’être averti.

ROBESPIERRE.

Interrogez votre conscience.

WESTERMANN.

Elle ne me reproche rien.

ROBESPIERRE.

Je plains celui qui ne peut plus entendre la voix du remords.

WESTERMANN se force pour être calme ; mais sa voix tremble de douleur et de rage.

Je n’ai qu’un remords : c’est d’avoir sacrifié ma vie à une patrie aussi ingrate. Voilà trente ans que je souffre pour elle toutes les misères. Je l’ai sauvée dix fois de l’invasion. Jamais elle n’a reconnu mes services. Le premier sycophante venu me dénonce : on écoute les lettres anonymes des soldats dont j’ai châtié la couardise ; on m’accuse, on me menace, on me casse de mon grade ; et des imbéciles, des goîtreux, des fripouillards, me passent sur le dos ; il faut que j’obéisse à un Rossignol, un orfèvre stupide, qui ne sait rien de la guerre, qui ne s’est fait connaître que par ses balourdises, et dont tous les titres sont la crasse de son origine et la protection des jacobins. Kléber, Dubayet et Marceau se rongent en des postes infimes, et un boutiquier de Niort commande à deux armées !

ROBESPIERRE.

La République fait plus de cas dans un chef de la force de ses convictions républicaines que de son habileté militaire.