Page:Le Théâtre de la Révolution. Le Quatorze Juillet. Danton. Les Loups.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
DANTON

paroles, non pas selon les modes jacobin ou genevois, mais selon le ton français, qui seul mérite le nom d’harmonie républicaine. Quand un tel homme me parle, il me remplit de joie, et il n’y a personne qui ne croie que je suis fou des discours, tant je bois avidement ses paroles. Mais celui qui chante une vertu qu’il ne pratique pas, m’afflige cruellement, et plus il paraît bien dire, plus il me donne d’aversion pour sa musique. »

À la fin de ce couplet, Desmoulins tourne le dos à Robespierre, qui se lève, sans geste et sans paroles, pour partir. Lucile, inquiète du tour qu’a pris la conversation, et qui ne quitte pas des yeux Robespierre, lui prend la main et essaie de plaisanter.
LUCILE, montrant Camille.

Il faut que ce méchant garçon contredise sans cesse. Si tu savais comme il me fait enrager quelquefois ! Cher Maximilien, vous êtes toujours les mêmes. Vous vous disputez comme au collège d’Arras.

Robespierre, glacé, ne répond rien et se dispose à sortir.
DANTON, changeant de ton et s’avançant vers Robespierre avec une cordialité sincère.

Robespierre, nous avons tort tous trois. Soyons des hommes qui n’obéissent qu’à la raison, et sachons sacrifier nos rancunes à la patrie. Je viens à toi, et je t’offre ma main. Pardonne-moi un mouvement d’impatience.

ROBESPIERRE.

Danton croit qu’il suffit d’un mot pour effacer ses outrages. L’offenseur n’a point de peine à oublier ses offenses.

DANTON.

J’ai tort sans doute de prêter à mes adversaires ma générosité. Mais le souci de la République l’emporte : elle a besoin de mon énergie et de tes vertus. Si mon énergie te répugne, songe que tes vertus me sont odieuses : nous sommes quittes. Fais comme moi, bouche-toi le nez, et sauvons la patrie.

ROBESPIERRE.

Je ne crois point un homme indispensable à la patrie.