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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

Nulle crainte qu’ils entrent ! Mais si vous avez envie de profiter de l’occasion, pour déblayer le quartier qui enserre la Bastille, et pour balayer les braillards qui se sont donné rendez-vous autour, ne vous gênez pas. De cette espèce, la graine n’est pas rare. Agissez à votre gré : cela n’a aucune importance.

DE LAUNEY.

Attendons alors, puisque rien ne presse. Nous sommes en nombre, nous avons abondance de munitions : nous n’avons pas besoin d’en venir à ces résolutions désespérées. N’est-ce pas, père Béquart ?

BÉQUART.

Nous tiendrions là jusqu’au jugement dernier, monsieur le Gouverneur. J’ai été sous M. de Chevert, à Prague, il y a quarante-sept ans. Le maréchal de Belle-Isle nous avait plantés là. Nous étions une poignée en plein pays ennemi. Nous manquions de tout. La ville même était contre nous. Jamais on n’a pu nous en déloger, que de notre consentement. Ici nous n’avons affaire qu’à de la racaille, des femmes et des boutiquiers ; nous sommes à l’abri de solides murailles, à deux pas des troupes du Champ de Mars et de Sèvres. Il n’y a qu’à fumer sa pipe et à se croiser les bras.

DE FLUE.

Aussitôt qu’on se tient coi, ces grenouilles de Parisiens vous sautent sur les genoux. Jetez-leur seulement quelques pierres, vous les verrez faire le plongeon dans leur marais.

DE LAUNEY.

Ne les exaspérons point.

DE FLUE.

Oins le vilain, il te poindra. Dépends le pendard, il te pendra.

BÉQUART.

Ce sont de pauvres gueux, monsieur de Flue. Il ne faut pas être trop dur. Ils ne savent pas bien ce qu’ils font.