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une nouvelle source de bonheur ; mais je sentis que je ne pouvais servir Dieu comme je le devais, si je n’étais pas unie à mon Eugène. Vous connaissez les progrès de notre attachement, et les circonstances qui nous ont séparés. Lorsque Bougainville vint me dire adieu, je le suppliai de fuir avec moi dans l’île, où il serait en sûreté ; mais il aima mieux rejoindre les troupes françaises et continuer à servir son pays en attendant que la grace qu’il comptait solliciter du roi, lui permît de revenir à Montréal. Quant à moi, je résolus de me retirer dans ma solitude autrefois si chérie. J’avais besoin de son silence, de son isolement pour me livrer sans contrainte à la tristesse de mon cœur. Un signal placé sur le rivage, dans un lieu convenu, devait m’avertir du retour d’Eugène, et pendant de longs jours, de longues semaines, je l’attendis vainement. Enfin, ce matin même je l’aperçus à l’instant où j’étais prête à me désespérer. Je lançai mon canot à la rencontre, non, hélas ! de mon cher Bougainville, mais de son fidèle Gaston, qui m’apprit les funestes nouvelles que vous savez, mon père, si j’en juge par vos regards compatissans. »

— « Et vous l’avez vu, ma fille. »