mais ! et c’est par ma faute ! et, au moment d’une action si extraordinaire, si intéressante pour moi, je n’y étais pas sensible !… Il faut avouer que je suis né avec un caractère bien plat et bien malheureux.
Le marquis parut ; Julien se hâta de lui annoncer son départ.
— Pour où ? dit M. de La Mole.
— Pour le Languedoc.
— Non pas, s’il vous plaît, vous êtes réservé à de plus hautes destinées, si vous partez ce sera pour le Nord… même, en termes militaires, je vous consigne à l’hôtel. Vous m’obligerez de n’être jamais plus de deux ou trois heures absent, je puis avoir besoin de vous d’un moment à l’autre.
Julien salua, et se retira sans mot dire, laissant le marquis fort étonné ; il était hors d’état de parler, il s’enferma dans sa chambre. Là, il put s’exagérer en liberté toute l’atrocité de son sort.
Ainsi, pensait-il, je ne puis pas même m’éloigner ! Dieu sait combien de jours le marquis va me retenir à Paris ; grand Dieu ! que vais-je devenir ? et pas un ami que je puisse consulter : l’abbé Pirard ne me laisserait pas finir la première phrase, le comte Altamira me proposerait de m’affilier à quelque conspiration.
Et cependant je suis fou, je le sens ; je suis fou !
Qui pourra me guider, que vais-je devenir ?
XLVIII
Moments cruels.
Mademoiselle de La Mole ravie ne songeait qu’au bonheur d’avoir été sur le point d’être tuée. Elle allait jusqu’à se dire : Il est digne d’être mon maître, puisqu’il a été sur le point de