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but de l’union était rempli ; mais ce but, on l’évite, afin de pouvoir profiter librement des plaisirs de la jeunesse, et rien n’est licencieux comme ces réunions de jeunes gens mariés sans enfants. Ce qui purifie les mœurs, ce n’est pas le mariage : c’est la famille ; or les époux n’en veulent pas.

On rencontre encore dans le Laonnais quelques familles de paysans qui ont conservé la simplicité des mœurs anciennes. Elles se distinguent entre toutes par leurs sentiments profondément religieux et par le respect de l’autorité paternelle. Leur vie intérieure se rapproche beaucoup de celle des communautés du Lavedan. Loin de considérer la fécondité des mariages comme un fléau, elles disent que les enfants sont un don de Dieu, suivant l’expression des Livres saints. Leurs habitudes retirées et paisibles ont pour effet de rattacher intimement chaque membre au foyer paternel et de retarder le moment du mariage. Dans ces ménages on aperçoit des vieillards octogénaires de constitution robuste, d’esprit sain et de caractère élevé, et des enfants remarquables par le développement de leurs forces physiques et par la douceur de leurs manières. Ces familles semblent être les ruines d’un ancien édifice ; chaque génération est un flot qui en emporte les débris.