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Toute entière à l’amour, quelle douleur profonde,
Lorſqu’au matin il fallut un moment
Remonter dans ſon char pour annoncer au monde
Des beaux jours qui n’étoient offerts qu’à ſon amant !
Ô jours délicieux ! plaiſirs inexprimables !
Ne pourriez-vous être durables ?
Tithon étoit mortel, hélas ! & ſes beaux ans
N’étoient point affranchis des outrages du tems,
Il fallut y céder, la peſante vieilleſſe
Dans les bras de l’Aurore oſe enfin le ſaiſir,
Injuſtice du ſort ! d’où vient que ce plaiſir
N’éterniſe pas ta jeuneſſe ?
Eh ! quoi, l’âge a glacé ce que j’aime le mieux,
Diſoit l’Aurore aux pleurs abandonnée ;
Quel remede à ſes maux ? Elle s’envole aux Cieux,
Jupin fléchit la deſtinée ;
Pour mon amant je t’implore aujourd’hui.
Ah, quel amant je poſſédois en lui,
Tout ce qui flatte un cœur ; de la Parque cruelle
Fais qu’il ſoit toujours reſpecté
Dans une jeuneſſe éternelle.
Eh ! qui peut mieux conduire à l’immortalité
Que d’être charmant & fidèle !
Ma fille, je ſens vos douleurs,
Dit le maître des Dieux, les beaux yeux de l’Aurore
Ne doivent verſer que ces pleurs ;