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Enfant, je vous voyais de mon lit d’écolier
Poindre en un coin de ciel couleur d’aigue-marine,
Tandis qu’au bord des prés les grillons, en sourdine,
Me berçaient de leur chant rustique et familier.

J’essayais de compter vos clartés incertaines,
Mais vous naissiez si vite au-dessus de nos toits !…
Le sommeil embrouillait les nombres sur mes doigts,
Que dans la nuit déjà vous montiez par centaines.

Quand la verte jeunesse en sa prime saison
Nous verse son vin pur et tout bouillant de séve,
Les roses du désir et les bluets du rêve
Ainsi dans notre cœur éclosent à foison ;

Et les sensations dont l’odeur nous enivre
Ouvrent si brusquement leurs merveilleuses fleurs,
Qu’éblouis par le nombre et l’éclat des couleurs,
Nous n’avons pas le temps de nous écouter vivre.

Les blanches visions de gloire et de beauté,
L’amour et sa féerie, et ses langueurs troublantes,
Se succèdent, pareils aux étoiles filantes
Traversant la splendeur calme des nuits d’été…

O nuits de juin, ô nuits d’amour !.. Dans ma jeunesse,
Que de fois j’ai passé parmi les champs de blé,
Leste et joyeux, levant vers le ciel constellé
Mes humides regards tout baignés de tendresse !