Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/410

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Je suis chérubin, tu me vis grisette,
Pour ces péchés-là Dieu n’est jamais dur ;
Mes compagnes sont Manon et Cosette,
Jésus, pour enfer, nous donne l’azur.

Tu me connus brune, ici je suis blonde,
Mes ailes font comme un bruit de satin ;
Je tremble toujours quand la foudre gronde,
On me trouve, au ciel, encor l’air mutin.

Dans le grand soleil nos longues phalanges
Tordent leurs cheveux tout ruisselants d’or…
— Te rappelles-tu nos frissons étranges,
Le soir, dans les bois, à la voix du cor ?

Comme aux rocs brillants vole la mouette,
Moi, je vais, légère, aux astres, la nuit…
— Oh ! mon cœur battait quand ta silhouette,
Sombre, sous ma vitre, errait à minuit.

Dieu, pour me vêtir, prit un pan de brume,
Sur les pics rosés, d’aube étincelants…
— Elle semblait d’air et de folle écume
Ma robe de gaze aux frais bouillons blancs.

Fière, dans le gouffre étoilé, je vole !
Ma narine d’ange aspire l’éther…
— Nous rêvions, jadis, d’aller en gondole
Cueillir des baisers, la nuit, sur la mer.