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II


Montez, leur criait-on, sublimes Argonautes !
Au-dessus de la neige, à des blancheurs plus hautes,
Aussi loin que se creuse à l’atmosphère un lieu !
Où monte le souci du front des astronomes,
Où monte le soupir du cœur de tous les hommes,
Plus haut que nos saluts, plus loin que notre adieu !

Les câbles sont rompus : tout à coup seul et libre,
Le ballon qui poursuit son fuyant équilibre
S’engouffre, par l’espace aussitôt dévoré.
Dans un emportement qui ressemble à la joie,
Plus prompt que le faucon sur l’invisible proie,
Il s’élance, en glissant, vers son but ignoré.

Où vont ceux que ravit l’impétueuse allure
De cette étrange nef pendue à sa voilure,
Sans gouvernail ni proue, en une mer sans bord ?
Au gré de tous les vents, traînés à la dérive,
Ne songent-ils qu’à tendre où nul vivant n’arrive,
Navigateurs lancés pour n’atteindre aucun port ?

La foule ardente et fruste où survit Encelade
Dans leur ascension n’aime que l’escalade,
Les admire en tremblant et ne les comprend pas :
« S’ils ne sont point partis pour mordre à l’ambroisie,