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Mais les fleurs qui n’ont pas le soleil et la brise,
Qui respirent, au lieu de la fraîcheur des prés,
L’odeur que les ruisseaux, parmi la foule, ont prise,
Courbent chétivement leurs fronts décolorés.

Ainsi la jeune fille. Au penchant des vallées
Où résonne le soir la cloche des troupeaux,
Que n’a-t-elle vécu, pieds nus, les mains hâlées ?
Il ne lui faudrait pas ce sinistre repos.

Il ne lui faudrait pas, la tumeur à la hanche,
Des mois après des mois, attendre, en languissant,
L’effet d’un philtre noir sur ce corps qui se penche.
En elle jaillirait l’écarlate du sang.

Elle est pâle ; sa joue en vague efflorescence,
Seule, se rose un peu : nuance de rougeur
D’une perle que l’aube éclaire à sa naissance,
Ombre vermeille où flotte un sourire songeur.

Ce qui la fait sourire, est ce chant de la vie
Qui s’élève à quinze ans du cœur encor voilé,
Quand d’un rayon nouveau la prunelle ravie
Voit, à son horizon, poindre un rêve étoilé.

Ce qui la fait sourire est la délicatesse
De ses mains, de son cou de cygne, la douceur
De ses traits, le surnom de petite comtesse
Que lui donnent par jeu l’infirmière et la sœur.