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NUIT PRÈS DES BOIS


La lune luit ; le ciel est bleu ; le grillon chante ;
Nulle âme en ce moment n’a droit d’être méchante.
Tout contour s’amollit sous la douce clarté
Que dans le grand ciel bleu fait cette nuit d’été.
Les chevreuils, les faisans, les cerfs connaissent l’heure
Où dans les bois profonds la fougère est meilleure,
Où la mousse se creuse en moelleux abris
Pour cacher et baigner leurs corps endoloris.
Les hêtres agrandis frissonnent ; la rosée
Trempe tous les halliers de sa goutte irisée.
Les bouvreuils, les pinsons, les ramiers aux vols lourds
Dorment frileusement dans leurs nids de velours.
De légères senteurs flottent ; la centaurée
Offre sa fleur de pourpre à la biche effarée
Qui, fuyant, n’a pas eu d’ombre pendant le jour.
Les faucheurs attardés rentrent, causant d’amour.
Un cabaret là-bas, point rougeâtre, flamboie,
Et très-loin, par moments, un chien peureux aboie.
Pour écrire, il me faut le silence effrayant
De la nuit, ou le bois impénétrable ayant
L’ampleur et la fraîcheur d’un temple sous ses arbres ;
Les pins, serrés et droits, comme des fûts de marbres,