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CH. GRANDMOUGIN

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LE DÉPART


Elle allait me quitter ; c’était pour très-longtemps.
Oh ! comme le cœur bat dans ces derniers instants.
Les départs du matin font souffrir : on s’éveille
De la nuit plein le cœur, quand l’aurore est vermeille,
Quand l’azur rajeuni devient rose et lilas ;
On a les yeux gonflés : on est pâle, on est las ;
La maison prend un air de deuil ; toutes les choses
Sont tristes, les volets fermés, les portes closes,
Les fleurs qui vont sécher dans leurs vases, les clés
Que l’on groupe en trousseaux, les sacs qui sont bouclés ;
Les fauteuils bien rangés, le piano solitaire,
Et le petit jardin désormais sans mystère.
Je m’assis au salon, dans un coin : j’étais là
Morne ; alors, elle vint, charmante, et me parla
De résignation, d’espoir et de courage.
Je sentais s’amasser mes pleurs comme un orage.
J’étouffais ; ses baisers même étaient superflus ;
Et craignant d’éclater je ne lui parlais plus.