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Si tu n’es, par miracle, à cet exil ravie,
Tu mourras jeune… après une trop longue vie,
Car tout est laid, mauvais, vulgaire autour de toi,
Et nul ne sait ta grâce, ô fleur, si ce n’est moi !

Et j’en suis à prier qu’aucun regard profane
Avant ton dernier soir ne t’approche & te fane,
Et qu’aucun souffle impur ne vienne, sous nos yeux,
Détourner tes parfums de la route des cieux !

Or, tandis que, parmi l’herbe jaune & les ronces,
Hier, deux ouvriers déchiffraient les annonces
Dont l’industrie encor noircit le sombre mur,
Moi, je rêvais plus loin… &, pareils au fruit mûr

Qui tombe, en gémissant, détaché de la branche,
Je sentis de mon front, qui sous l’automne penche,
Tomber ces vers plaintifs où quelque autre rêveur
Découvrira, peut-être, une intime saveur.