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Quand elle ne vit plus que les astres & l’eau,
Et l’enfant Ganymède enlevé par la serre
Du formidable oiseau qui porte le tonnerre,
Et Danaé captive & succombant encor
Au Dieu qui l’inondait sous un déluge d’or.

Et la mère pourtant, d’avarice insensée,
De sa fille en secret corrompait la pensée ;
Confondant à dessein dans un chaos fatal
Et le juste & l’injuste & le bien & le mal ;
De son adroite main, en ses métamorphoses,
De la création pervertissant les choses,
À cette âme si tendre, incapable du jour,
Comme le seul forfait elle peignait l’amour !
Si bien qu’à ses grands yeux, troublés dès leur enfance,
Pour cet esprit encor sans arme & sans défense,
Sous le hideux sophisme en naissant abattu,
L’amour était le vice, & l’argent, la vertu !

Ah ! malheureuse enfant, toi dont le cœur novice
A si naïvement l’innocence du vice,
Quoi ! tu ne trembles pas, comme la plume au vent ?
Si l’Amour te laissait dans ce tombeau vivant !
Si, comme Juliette, au retour de l’aurore,
Tu ne ressuscitais que pour mourir encore !
Si, détournant de toi son regard enflammé,
Il te laissait mourir là, sans avoir aimé !
Et t’oubliant toujours dans cette solitude
Dont ton corps a déjà la honteuse habitude,