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LE PARNASSE CONTEMPORAIN

Il nous parle, & sans cesse il nous offre à voix haute
D’entrer dans nos maisons sans haine, comme un hôte ;
Mais c’est en vain que les gazelles dans les bois
Et les oiseaux de l’air avec leurs douces voix
Veulent émouvoir l’homme altéré de carnage,
Car il a refusé d’apprendre leur langage.
Haïs par nous, leurs yeux où l’espoir vit encor
Se tournent vaguement vers les demeures d’or
Où leur intelligence aimante vous devine ;
Avides comme nous de la clarté divine,
Ils vous cherchent sans doute, humbles & résignés,
Mais vainement ! Pas plus que nous vous ne daignez
Pardonner à la brute en vos haines funestes,
Et vous détournez d’elle, ô Dieux, vos fronts célestes !
J’ai vu cela ! j’ai vu que dans le firmament
Comme ici-bas, souffrant du même isolement
Et séparés toujours par d’invincibles voiles,
L’homme & les animaux, les Dieux & les Étoiles
Vivaient en exil dans l’univers infini,
Faute d’avoir trouvé le langage béni
Qui peut associer ensemble tous les Êtres,
Les Dieux-Titans avec les Satyres champêtres
Et la brute avec l’homme & les Astres vainqueurs,
Celui qui domptera par sa force les cœurs
De tous ceux dont le jour fait ouvrir les paupières,
Et qu’entendront aussi les ruisseaux & les pierres !
Car les rocs chevelus à la terre enchaînés,
Les fleuves par le cours des astres entraînés,
Les arbres frissonnants sous leurs écorces rudes,