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J’admire les contours élégants de ton col ;
J’admire la blancheur de tes pieds sur le sol ;
J’admire ton regard où mon regard se noie,
Et le voile onduleux de tes cheveux de soie,
Et ta chair blanche & rose, & ton bras, & ta main,
Et ce beau sein qui doit porter le genre humain.
Je te suis. Conduis-moi. Dans l’ombre ou la lumière,
Où tu seras, j’irai. Va, marche la première !
Regarde ton chemin ; moi, je regarderai
La trace de tes pas. Marche. Je te suivrai. »

Ève se dirigea vers l’occident, légère,
Non comme une exilée & comme une étrangère,
Mais comme une habitante à qui tout est connu.
À peine elle foulait le sol de son pied nu ;
À peine elle hésitait dans sa route. À mesure
Qu’elle avançait vers l’ouest, l’ombre était plus obscure,
Le firmament prenait des tons gris, les vapeurs
Des grandes mers montaient du flot sur les hauteurs.
On entendait déjà les bruits sourds du rivage.
La solitude avait un aspect plus sauvage ;
L’arome des sapins résineux chargeait l’air
De son effluve au suc nourrissant, mais amer.
Un peu dans le sud-ouest, des lignes montagneuses
S’étendaient & formaient des voûtes caverneuses.
C’est vers ces antres noirs qu’Ève se dirigea.
Palpitante, éperdue, elle y touchait déjà,
Quand Adam, l’étreignant & l’enlevant de terre,
La porta, frémissant d’amour, dans ce mystère.