Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
LE PARNASSE CONTEMPORAIN

Étaient venus, cédant au charme de la voix ;
Et voici qu’à présent le feuillage d’un bois
Mélodieux, immense & rempli de murmures,
Sur le front du chanteur étendait ses ramures ;
Les rocs avaient fendu la terre en un moment :
Ils s’étaient approchés mystérieusement,
Et le torrent glacé, qui pleure en son délire,
Étouffait le sanglot qui toujours le déchire.
Du fond de l’éther vaste & des cieux inconnus
Les oiseaux, déployant leur vol, étaient venus ;
Puis, gravissant les monts neigeux, mornes colosses,
Les animaux tremblants & les bêtes féroces
Et les lions étaient venus. Dans le ravin,
Ils écoutaient, léchant les pieds du Roi divin,
Ou pensifs, accroupis dans une vague extase.
Comme un aigle emportant le rayon qui l’embrase,
L’Hymne sainte, agitant ses flammes autour d’eux,
Mettait de la clarté sur leurs mufles hideux ;
Attendris, ils versaient des larmes fraternelles,
Et la douceur des cieux entrait dans leurs prunelles.
Mais le héros chantait, frémissant de pitié.
Son front, par des rougeurs de flamme incendié,
Était comme les cieux qu’embrasent des aurores.
Mêlant ses vers au bruit dont les cordes sonores
Emplissaient le désert par leur voix adouci,
Le pieux inventeur des chants parlait ainsi :

Ô Dieux, s’écriait-il, écoutez la Cithare !
Dieux du neigeux Olympe & du sombre Tartare