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L’ombre épaisse envahit tes sereines beautés
Et jusque sous tes cils éteint tes yeux de flamme ;
Ton souffle égal & lent fait comme un bruit de rame :
— C’est ton rêve qui fuit vers des bords enchantés.

Repose sans remords, ô cruelle maîtresse !
Ignore dans mes bras les pleurs de ma caresse,
Car tu n’es pas ma sœur, cœur à peine vivant !

Mais quand la nuit a clos tes paupières meurtries,
Quelle pitié des cieux pour les choses flétries
Te rend, sous mes baisers, le sommeil d’un enfant ?


V


Que ne suis-je le rêve où ton âme me fuit,
Quand l’haleine de fleur dont ta bouche est baisée
Se berce au rhythme lent de ta gorge apaisée,
Dans la tranquillité profonde de la nuit !

Que ne suis-je le rêve où ma douleur te suit
D’un souffle haletant & d’une aile brisée,
Sans entrevoir jamais, comme une aube embrasée,
L’invisible soleil qui sous ton front reluit !

— L’amour qui te fait vivre est celui qui me tue ;
Car ta sérénité cruelle de statue
N’est qu’un leurre où sans fin s’épuise mon souci.