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Telle qu’un fol essaim d’invisibles phalènes,
Son âme en voltigeant s’éparpille dans l’air,
Plane sur les coteaux, et descend dans les plaines,
Plonge dans l’ombre, et glisse avec le rayon clair.

Elle est rocher, forêt, torrent, fleur et nuage,
Tout à la fois vapeur, parfum, bruit, mouvement,
Frémissement confus, bloc muet et sauvage ;
Elle est fondue en toi, Cybèle, entièrement.

Mais partout elle voit la vie universelle
Affluer, tressaillir sous la forme ; elle entend
Sous l’ombre, ou sous la flamme auguste qui ruisselle,
Le soupir éternel du globe palpitant.

Un arôme puissant dans les foins verts circule ;
Son corps nage au milieu d’une molle clarté.
Dans la brume embaumée, et dans le crépuscule,
Vers l’astre qui l’attire il se sent emporté.

La nuit vient, allumant les sphères innombrables.
Il sent rouler la terre ; et vers le sourd destin,
Il l’entend par dessus nos clameurs misérables,
Elle-même pousser un hurlement sans fin.

Qui s’élève, grandit, et monte, et tourbillonne,
Fait de chants, de sanglots, et d’appels incertains,
Et dans l’abîme où l’œil des vieux soleils rayonne,
Se mêle aux grandes voix des univers lointains.

Ces mondes suspendus de tout temps dans le vide,
Il les voit tournoyer, il les entend gémir ;
Il vit de leur pensée, et sur son front livide,
Sent le mortel frisson de l’infini courir.