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Et ses yeux me diront, éloquences muettes,
Ce que disent à demi-voix
Les amants dont on voit les claires silhouettes
Blanchir l’obscurité des bois.

Et sans bruit, pour que seul, oh ! seul, je puisse entendre
L’ineffable vibration,
Jusqu’à moi son baiser descendra, grave et tendre,
Comme une bénédiction.

Et quand elle aura, pure, à ma coupable lèvre
Donné le baiser baptismal,
Sans doute je pourrai guérir enfin ma fièvre,
Et t’expulser, regret du mal !

Oui, bien qu’autour de moi plane toujours et rôde
L’épouvante de mon passé,
Que mon lit garde encor ta place toute chaude,
O désir vainement chassé,

Je pourrai, je pourrai, Nixe horrible, Sirène,
Secouer enfin la langueur
De mes sens et purger, ô femme, la gangrène
Dont tu m’as saturé le cœur,

Ainsi que fait du fard brûlant dont il se grime
L’histrion, chanteur d’opéras,
Ou comme un spadassin essuie, après le crime,
L’épée atroce sous son bras !


FRANÇOIS COPPÉE.