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Ce fou disait : Comme un miroir
Est mal inventé pour se voir ;
Je suis laid quand je m’y regarde.
J’en veux composer un nouveau,
Où je me verrai jeune, beau
Et capitaine dans la garde.

Ce fou, quand il voyait pleurer,
Jouer, ou se désespérer
Le pauvre enfant qui perd sa mère,
Devenait rêveur et pensif,
Et murmurait ce chant plaintif,
Car il enviait sa misère ;

Il chantait : L’enfant va mourir,
Si le bon Dieu veut le bénir,
Il reverra celle qu’il aime.
Entendez-vous dans les grands bois
Venir mes amours d’autrefois ?
Mourir sans se tuer soi-même.

Et si l’enfant ne mourait pas
Et se consolait vite, hélas !
Le fou chantait, disant encore :
La foudre, en crevant mon chapeau,
A failli briser mon cerveau.
Le malheur est à son aurore.

Son jour commence seulement.
Le malheur nous vient en dormant ;
Le malheur nous guette et nous veille.
Voici trois corbeaux sur un mur,
Trois oiseaux noirs sur fond d’azur…
Enfant, le malheur te réveille.