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Père des jours futurs et des races nouvelles,
Léthé, tout ce qui fut renaît dans ton flot saint
Dissolvant la mémoire et les formes mortelles.
Les siècles rajeunis émergent de ton sein,
Père des jours futurs et des races nouvelles.

La Douleur et la Haine expirent sur tes bords.
Ton flot vaste, chargé de vieux corps, d’âmes neuves,
Roule vers l’Infini nos crimes, nos remords,
Les longs sanglots d’amants, les désespoirs de veuves… —
La Douleur et la Haine expirent sur tes bords.

Que n’avons-nous ton onde où s’éteint la Mémoire !
Dans nos cœurs ulcérés le vautour-souvenir
S’est abattu ; son cri rauque dans l’âme noire
Nous obsède et nous fait oublier l’avenir… —
Que n’avons-nous ton onde où s’éteint la Mémoire !

Mais à notre misère un espoir est resté :
Nous n’avons plus l’Oubli, mais la Mort est certaine !
Je veux souffrir encore, inutile Léthé !
Je veux garder tout mon amour, toute ma haine… —
A ma sourde misère un espoir est resté !


EDMOND LEPELLETIER.