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PRIÈRE SECRÈTE



(Traduit du Russe, de la comtesse Ropstochin.)



Mon Dieu ! toi qui sais tout, oh ! ne m’ordonne pas
D’atteindre aux sombres jours de la froide vieillesse ;
De voir mon corps s’user, et tomber pièce à pièce,
Et la destruction me gagner pas à pas ;
D’être un morne objet d’épouvante,
Ou qu’on suit d’un regard moqueur ;
D’assister enfin, moi vivante,
Aux funérailles de mon cœur !

Grâce ! ne permet pas, mon Dieu ! que je survive
A l’espérance fugitive,
Aux illusions, mon trésor.
Grâce ! qu’avant la nuit mes paupières soient closes,
Tandis que le sourire encor
Effleurera mes lèvres roses !

Je ne veux point peser ma vie au poids des ans ;
La mesurer au cours des heures prolongées ;
Je veux seulement, Dieu des âmes affligées,
Après tant de désirs et de rêves cuisants,
Connaître ce bonheur, qu’un vague espoir devine ;
Voir s’épanouir un seul jour,
Dans toute sa beauté, la fraîche fleur divine
De la jeunesse et de l’amour !