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LA MAITRESSE DU TITIEN




O fille de Palma ! Violente adorée,
Poëme que Titien jusqu’à sa mort chanta,
Œuvre folle des Dieux par le soleil dorée
Comme un pampre lascif qu’arrose la Brenta !

Fleur de la volupté, splendide Violante,
Ton nom vient agiter le corps avant le cœur,
Tu soulèves l’amour sur ta lèvre brûlante,
Où les pâles désirs s’abattent tout en chœur.

O fille de l’antique et de la Renaissance,
Espoir des dieux nouveaux, souvenir des anciens.
Païenne par l’éclat et la magnificence,
Histoire en style d’or des cœurs vénitiens,

Sur le marbre un peu blond de ton épaule altière,
Que j’aime tes cheveux à longs flots répandus !
Dans ces spirales d’or que baigne la lumière,
Que de fois en un jour mes yeux se sont perdus !

Palma faisait de toi sa plus pure madone,
La vierge de quinze ans t’adore en ses tableaux ;
Titien faisait de toi Madeleine qui donne,
Qui donne à ses amants son cœur à larges flots.

O femme, tour à tour chaste comme Suzanne
Et faible comme Hélène, — Idéal, Vérité, —
Viens me dire pourquoi, divine courtisane,
Pourquoi Dieu t’a donné cette ardente beauté.