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J’ai lu jusqu’aux hiéroglyphes ;
J’ai couru jusqu’au Labrador ;
J’ai, dans le jardin des califes,
Dérobé la tige aux fleurs d’or.

Sur les ailes du vieux Saturne,
J’ai cueilli tout fruit où l’on mord ;
Mais je commence à sculpter l’urne
Où croissent les fleurs de la mort.

Rabbin, prophète, oracle, brahme,
Les sibylles de la forêt,
L’eau qui chante, le vent qui brame,
Ne m’ont jamais dit le secret.

La Vérité — la Poésie
Laissent mon cœur inapaisé,
Et devant le Sphinx de Mysie
Je vais, triste, pâle, brisé.

« Sphinx, révèle-moi le mystère !
Faut-il vivre au ciel éclatant
Avec son âme, — ou sur la terre
Avec son corps toujours flottant ? »

Le Sphinx daigne m’ouvrir son livre
A la page de la raison :
C’est dans sa maison qu’il faut vivre,
La fenêtre sur l’horizon.

La maison, c’est mon corps. La joie
Y fleurit comme un pampre vert ;
La fenêtre où le jour flamboie,
Ce sont mes yeux : le ciel ouvert !