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Que leur flot pleure, et quand la reine auguste penche
Son front, dans ce bel or brille une tresse blanche.


Les larmes de Cypris ont brûlé ses longs cils.
Frémissante, elle aussi déplore les exils
Des grands dieux, et tandis que les Océanides
Gémissent dans la mer stérile aux flots rapides,
Elle parle en ces mots, et son rire moqueur,
Tout plein du désespoir qui gonfle son grand cœur,
Dans l’ombre où le matin lutte avec les ténèbres
Donne un accent de haine à ses plaintes funèbres :


O nos victimes ! rois monstrueux, dieux titans
Que nous avons chassés vers les gouffres du Temps !
Fils aînés du Chaos aux chevelures d’astres,
Dont le souffle et les yeux contenaient les désastres
Des ouragans ! Japet ! Hypérion, l’aîné
De nos aïeux ! O toi, ma mère Dioné !
Et toi, qui t’élanças, brillant, vers tes victoires,
Du sein de l’Erèbe, où dormaient tes ailes noires,
Toi le premier, le plus ancien des dieux, Amour !
Voyez, l’homme nous chasse et nous hait à son tour,
Votre sang reparaît sur nos mains meurtrières,
Et nous errons, vaincus, parmi les fondrières.
Eh bien oui, nous fuyons ! Nos regards, ciel changeant,
Ne refléteront plus les longs fleuves d’argent.
Elle-même, la Vie amoureuse et bénie
Nous pousse hors du sein de l’Être, et nous renie.
Homme, vil meurtrier des dieux, es-tu content ?
Les bois profonds, les monts et le ciel éclatant
Sont vides, et les flots sont vides : c’est ton règne !
Cherche qui te console et cherche qui te plaigne !