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Je me perds dans tes yeux noirs comme dans les flots
Épais des mers du Nord, où les ombres massives
Font chanter, sur le rhythme étouffé des sanglots,
Le chœur désespéré des vagues convulsives.

Quand la mer de tes yeux reçoit de tes regards
Une tristesse morne et pleine de clémence,
Je crois voir, à travers d’ineffables brouillards,
Un clair de lune froid sur l’océan immense.

Et mon âme, en rêvant balancée au remous
Monotone des vents légers comme une haleine,
Contemple, à l’horizon mélancolique et roux,
Les yeux clairs d’une étoile éternelle et lointaine.

Toujours vers ces yeux clairs je vogue éperdument ;
Les caresses des flots engourdissent mon âme,
Et j’entends dans un sourd et lent bruissement,
S’ouvrir sous mes efforts la mer sombre qui clame.

Mais en m’engloutissant, je regarde toujours,
Cher astre, tes yeux clairs à travers la mer sombre ;
Ah ! quand pourrai-je, au ciel calme que tu parcours,
Te suivre, libéré des rêves et de l’ombre ?

Or voici que la mer me couvre absolument ;
Sa nuit roule sur moi comme sur un coupable,
Et je m’endors dans cet anéantissement
Aux soupirs de la mer tranquille et formidable.