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VIII

L’Italie vit tout à coup surgir une secte de fanatiques dont jusque là on n’avait point eu d’exemple. Des populations entières semblaient prises d’un vertige religieux, et se livraient à des pratiques de piété d’une extravagance inconcevable. Pérouse avait été la première ville où s’était manifestée cette fièvre de fanatisme, qui bientôt gagna Rome, le reste de l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et l’Angleterre[1] ; des vieillards, de jeunes hommes, des femmes et jusqu’à des enfants, sous l’empire d’une fureur religieuse parcouraient sans vêtement les villes et les campagnes, se suivant deux à deux, et tenant à la main des fouets de lanières plombées avec lesquels ils se frappaient rudement sur les épaules et sur les reins. Ces processions avaient lieu le jour comme la nuit même dans les hivers les plus rigoureux ; et au rapport des historiens du temps, on comptait quelquefois jusqu’à dix mille flagellants faisant leurs dévotions, entièrement nus, et ayant en tête des prêtres, des cardinaux et des évêques portant la croix et les bannières. Dans les villages, dans les bourgs et dans les villes, la secte s’était propagée avec une rapidité extraordinaire ; les femmes, même des grandes dames et des jeunes filles, se montraient pleines de ferveur pour ces nouvelles pratiques religieuses, et déchiraient cruellement leur corps. Bientôt, cette singulière superstition

  1. Ce fut Philippe de Valois qui empêcha cette secte de s’établir en France.