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enthousiasme

reçu médecin, alla s’établir dans une petite ville, et six mois après revint épouser Henriette.

Le conte finirait : « ils furent heureux et ils eurent beaucoup d’enfants », et ce serait presque vrai.

Ils sont heureux, raisonnablement, ils continuent à s’aimer, parmi les événements d’une vie humaine comme les autres, c’est-à-dire, tour à tour ensoleillée ou grise.

Après douze ans de ménage, ils ont trois jolies petites filles et Henriette espère avoir un jour un garçon. Henriette a une maison à elle, un jardin, un beau salon avec un foyer véritable. Mais chose étrange, devant les bûches en flammes, lorsqu’elle rêvasse le soir, elle retourne regarder à la fenêtre de la vilaine maison à corniche et à escalier qu’elle habitait jeune fille, et elle se revoit là comme dans un globe magique, enveloppée d’une espèce d’auréole. Quel qu’il ait été, le passé surgit toujours dans le présent comme un mirage.

Pourtant, quand Henriette retourne chez ses parents qui vivent encore, elle manque d’air, et veut revenir au plus tôt dans sa petite ville qui a des allures de gros village, qui est paisible, calme, agréable à habiter.

L’autre jour, en voyage d’affaires, elle avait besoin d’obtenir pour son mari, des renseignements sur des polices d’assurances. Elle entra au hasard dans un bureau, parce qu’elle avait vu sur l’affiche le nom de la compagnie qu’elle connaissait.

Le temps était gris. La pièce paraissait mal tenue. Elle eut envie d’en ressortir sans rien