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aimerait à saluer. Il y en a dont elle sait les noms. Ce journaliste, par exemple, qu’elle admirait tant lorsqu’elle était au couvent. Mais c’est un homme marié, il ne regarde personne, et il a toujours le nez enfoui dans une revue, qu’il soit debout ou assis.

Par hasard, ce matin, Henriette trouve une place tout de suite. Quand le journaliste monte à son tour, il n’en trouve pas, lui, il se met debout devant elle. Henriette va pouvoir l’examiner à son goût, en pure perte, mais à son goût ! Elle s’amuse à le dévisager parce que, comme d’habitude, il est tellement plongé dans sa lecture qu’elle est sûre que toute la télépathie du monde n’agirait pas sur lui. Elle ne sait pas, elle, lire avec une telle attention. Tout ce qui passe la distrait. À la rue Roy, montent d’autres gens qui l’intéressent. La jeune fille si blonde, si blonde, qui correspondra au même coin qu’elle, qui traîne aussi un livre, mais ne lit pas beaucoup plus qu’Henriette. Il y a longtemps qu’elles ont toutes les deux un bon regard l’une pour l’autre. Henriette trouve que cette jeune fille ressemble à quelqu’un qu’elle a déjà vu, mais qui ? Elle cherche encore, ce matin, et soudain elle trouve ; un jeune homme du nom de Louis Desjardins qu’elle a rencontré l’autre jour chez son amie. C’est peut-être sa sœur, pense-t-elle. Elle sourit à la jeune fille. À part ce sourire, lorsqu’elles ne sont pas loin l’une de l’autre, elles échangent un coup d’œil d’intelligence, chaque fois qu’une personne ridicule, une femme trop fardée ou trop grosse, monte dans le tramway, ou encore, si quelqu’un fait tout haut une plaisanterie. Quel