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enthousiasme

un peu triste. Ses paroles n’avaient plus rien d’enfantin, elle parlait avec compassion de toutes ces douleurs qui avaient défilé devant nous.

Ils étaient deux. Ils étaient riches. Ils étaient intelligents, cultivés, ils adoraient les livres, la peinture, la musique, tout ce qui fait le prix de la vie. Ils comprenaient la nature, ils jouissaient de tout ce qu’elle leur offrait, et voyageaient sans soucis financiers, sans regretter personne, complètement heureux ensemble. C’était un conte. Pourtant, à Lourdes, je soupçonnai que Christiane jouait à la femme heureuse et qu’au fond d’elle-même un pressentiment l’étouffait.

— Non, je ne peux pas prier pour ma guérison, répétait-elle, je ne peux pas devant tous ces gens si dénués, si malades, je ne peux pas, je ne serai pas guérie, ce serait une injustice.

Nous continuâmes, les neuf jours finis, notre voyage. Il y eut Cauterets, Gavarnie, il y eut Toulouse, Rocamadour, et tant d’émerveillement, de joies diverses…

Il y eut Paris retrouvé, leur appartement, toujours si accueillant, et les bons dîners que présidait la même Christiane rieuse et blonde… Puis, un jour, il fallut bien nous quitter. Je revenais avant eux. J’embrassai Christiane, en lui disant au revoir… Je retournerais dans son petit salon bleu et orangé…

Dix jours en mer. Je lui écrivis l’enchantement de la Méditerranée, de Gibraltar et, de toute la traversée ; tempêtes, clairs de lune m’enthousiasmaient également.