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orange et bleu

dans sa voix une indéniable admiration : ce que Christiane faisait, c’était amusant, c’était drôle. Il ne s’ennuyait pas avec elle, et elle était adorable avec lui, lui réservant sa tendresse un peu enfantine, ses taquineries, ses meilleurs sourires. Elle jouait sans doute à la petite fille choyée, mais ce masque qui appelait protection et tendresse, lui servait à cacher une sournoise force de caractère.

Parce que son jeune mari n’acceptait rien sans elle, n’allait nulle part sans elle, Christiane maintes fois feignait de se sentir tout à fait mieux, se levait, se pomponnait, manifestait un irrésistible besoin de sortir, de voir du monde, de marcher… Pour cela, elle devait mépriser et vaincre de tenaces douleurs qui la tourmentaient sans répit.

Je ne marquai qu’un hiver, en somme, le tapis bleu, de mes pas gris. La guerre achevait, et après l’armistice, le jeune ménage partit aussitôt pour Paris.

Ce fut l’insistance de Christiane, qui me pressait dans ses lettres de les rejoindre, qui m’aida sans doute à organiser mon propre voyage. Ils n’étaient pas installés depuis bien longtemps quand, à mon tour, je mis pied à Paris, puisque j’y arrivai pour fêter le premier anniversaire de l’armistice.

Ma malle à peine défaite, comme une Parisienne née, je pris le métro et j’allai voir Christiane.

Elle habitait un appartement confortable à Passy. J’y eus bientôt mes habitudes… et chaque fois que je descendais du tramway et que je marchais d’une rue à l’autre, jusque chez elle, je traî-