Page:Le Normand - Enthousiasme, 1947.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
orange et bleu

pouvait l’être davantage. Elle avait l’air d’un pastel où les couleurs se marient avec une douceur si harmonieuse, qu’on ne s’occupe pas de la perfection du dessin.

Le futur architecte voyait tout cela, lui, et de plus en plus, s’attachait à ses pas.

Comme il était riche, le roman ne traîna pas en longueur. Aussitôt admis à sa profession, il fit la grande demande, et Christiane se trouva bel et bien mariée avant d’avoir même entrepris les études spécialisées qu’elle avait décidé de faire.

Mais rien n’allait l’empêcher de remplir le programme établi. Les jeunes époux partirent pour Paris. Christiane y améliora son vocabulaire, prit des leçons de chant, affina ses manières. Elle cueillit à pleines mains des notions de tout. Elle apprit sans livre les divers âges de l’architecture : on commence par l’école romane avec Saint-Germain-des-Prés ; on continue avec le gothique de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle : on passe à Saint-Étienne-du-Mont pour les caprices de la Renaissance, et ainsi de suite. C’était aisé et inoubliable. Et que de choses, pareillement, vous enseignaient en peinture les musées ! Des Primitifs au XIXe siècle, la marche du pinceau, la différence des fonds de toile, au Louvre cela sautait aux yeux d’une salle à l’autre. Au Luxembourg, on s’approchait du moderne ; au Grand Palais, on s’initiait aux ultra-modernes, au bizarre, aux laideurs mêmes. Christiane en critiquait bien quelques-unes, mais elle avait trop décidé d’être quelqu’un pour ne pas être d’avant-garde. Elle